Extraits
LA MAISON AU LIERRE
La maison me sourit, protégée par le lierre
Qui cache une fossette au creux de chaque pierre,
Un rire se réveille, éclate à la fenêtre,
Il ruisselle sur moi, le bonheur me pénètre.
Elle est vieille pourtant mais cela m’indiffère,
Et c’est peut-être ainsi que mon cœur la préfère,
Car à ses volets clos j’abandonne mon âme,
Sans douter un instant d’obtenir un sésame
Pour connaître les joies, les peines, les espoirs
De ceux qui vivaient là, leurs matins et leurs soirs,
Coulés dans l’allégresse ou la morne habitude,
Habillés de tendresse ou bien de solitude.
La maison m’a tout dit mais j’ai dû lui promettre
De ne rien révéler, je ne puis me démettre.
Ces secrets confessés sous le couvert du lierre,
Je les ai enfouis sous la plus humble pierre.
LE CŒUR CERISE
Si elle avait le cœur cerise,
A en rêver elle se grise,
Juste cueillie serait croquée ;
Si elle avait le cœur raisin,
Elle vivrait dans le bon vin,
Oui, en bouteille cachetée ;
Si elle avait le cœur citron,
Elle serait reine à Menton,
Puis elle finirait pressée ;
Mais si elle a le cœur humain,
Et c’est peut-être pour demain,
Alors elle sera aimée.
LES DEUX AMANTS
Quelque jour vous verrez un couple d’amoureux,
Elle sera bien vieille et lui sera bien vieux,
Mais leurs yeux souriront au milieu de leurs rides
En se disant « C’est bon de t’avoir eu pour guide.
Oh nous avons connu des moments difficiles,
Notre bonheur parfois nous a semblé fragile,
On ne vit pas longtemps sans faire de faux pas,
Oui mais j’ai toujours pu m’appuyer à ton bras. »
Lorsqu’ avec émotion ils revivront le temps
Où jeunes loups fougueux, ils aiguisaient leurs dents,
Il lui dira « Pardon, j’ai fait couler tes larmes »,
Et elle sourira de ses vaines alarmes.
Au profond du regard un tantinet coquin,
L’espièglerie au cœur, il lui prendra la main
En murmurant « Te rappelles-tu nos baisers,
Si dévorants que nos bouches en sont usées ?
C’est loin, c’est bien loin mais c’était bon, c’était fou,
Ce délire impatient qui s’emparait de nous,
Et maintenant que ce feu est éteint, je tremble.
Dis, si c’était la fin ? Mais nous sommes ensemble,
Je n’ai rien à craindre, je suis fort de ta force,
Tu es la sève du vieux chêne et moi l’écorce. »
Regardez-les marcher, les doigts entrelacés,
Aucune tempête ne les a séparés.
Non ne souriez pas, car l’amour n’a pas d’âge,
S’ils sont moins passionnés, ils n’en sont que plus sages.
Un jour, j’aurai pour eux un regard bienveillant,
Qui sont ces deux amants ?Mais ce sont mes parents !
QUELQUES FLOCONS
Et se posent, rêveurs,
Aux lèvres de la nuit,
Qui sourit et s’enfuit,
Grisée par ce bonheur
A la saveur d’espoir,
Et de douce bluette.
Quelques flocons paressent
A la joue de la lune
Pour s’en aller dormir
Au front bleuté du jour,
Le cœur plein de l’amour
Qu’ils ont su y cueillir,
De l’offrande opportune
Qu’est sa blonde tendresse.
Quelques flocons se couchent
Sur le seuil de mon âme,
Esclaves consentants
De mes moindres désirs,
Mes intimes soupirs.
Puis-je taire longtemps,
Même si l’on m’en blâme,
Ce frisson à ma bouche ?
CARNAVAL
Oh dans de Carnaval
sais-tu combien j’ai mal
sous mon masque de rire
et de folle insouciance
Je suis un Arlequin
aux larmes déguisées
maquillant mon chagrin
de propos insensés
la valse que je danse
est celle du délire
et dans mes pirouettes
c’est l’espoir qui culbute
Je ris comme à la fête
oui je ris de mes chutes
mais dans ce Carnaval
sais-tu combien j’ai mal
LES PONTS DE LA NUIT
Je marche sous les arches des ponts de la nuit,
Jetés sur tous les rêves du monde endormi,
Où glissent les espoirs d’infinies galaxies,
Qui vivent à nouveau quand sonne la minuit.
J’accompagne ce fleuve aux berges accueillantes,
Je lui confie la barque où sourit mon sommeil
Amoureux d’une étoile, oublieux du soleil.
Je saisis sur le flot la lune vacillante,
Et je peins son visage aux couleurs de l’amour.
Un nuage étourdi paresse au firmament
Que viennent éclairer mille rayons d’argent,
Emissaires discrets, annonciateurs du jour.
Emerveillée, j’accoste à l’aube et son delta,
Sous les ponts de la nuit, je remettrai mes pas.